Le bain hivernal en mer est une pratique thérapeutique qui remonte au XVIIIe siècle. À cette époque, le discours médical met en avant les vertus curatives du bain froid en milieu marin, s’appuyant sur les traditions antiques. Chez les Grecs et les Romains, les bains étaient vus comme des moyens de fortification plutôt que comme des pratiques d’hygiène.
L’eau froide était perçue comme tonique et l’eau chaude comme émolliente. Au XVIIIe siècle, la pratique du bain thérapeutique se répand en Europe, notamment sur les plages de l’Atlantique, où elle est particulièrement prisée par les classes dominantes. Le premier bain est souvent perçu comme une expérience initiatique, censée rétablir l’équilibre physique et nerveux d’une élite en quête de vitalité. On attribue à la mer des qualités bénéfiques par sa froideur, sa salinité et sa turbulence, avec des effets antiseptiques, diurétiques et calmants.
À Nice, un précurseur de cette pratique, Smollett, décrit en 1764 comment sa santé s’est améliorée grâce au bain hivernal et comment cette pratique a progressivement gagné en popularité, notamment auprès des officiers suisses et des habitants de la ville. Cependant, deux siècles plus tard, le bain d’hiver reste une pratique rare et réservée à une minorité.
Aujourd’hui, le bain d’hiver n’est plus prescrit pour ses vertus curatives, mais il reste une habitude pour certains Niçois, tant « de souche » que « d’adoption ». Les baigneurs, généralement des retraités âgés de 50 à 80 ans, continuent cette pratique quotidienne pendant toute l’année. Ils se réapproprient leur corps, utilisant cette expérience pour se sentir bien, en particulier en hiver, où ils décrivent la sensation de bien-être comme proche de l’euphorie, souvent comparée à « l’ivresse du froid ».
Le bain hivernal est également devenu une expérience collective. Ce phénomène social et l’effet du groupe permettent aux nouveaux venus de transformer une sensation de douleur en plaisir, ce qui illustre l’idée que la perception de la douleur dépend de l’expérience et de l’apprentissage social. Le rapport des baigneurs à la mer et à leur corps s’inscrit dans une croyance collective et un savoir partagé, alliant imaginaire et connaissances physiologiques. Ils attribuent à l’eau de mer froide des vertus revitalisantes, en lien avec les pratiques thérapeutiques anciennes et l’idée de la fécondité.
La pratique du bain d’hiver reste ainsi une activité perçue comme un remède revitalisant, profondément ancrée dans les croyances populaires et la mémoire des anciennes pratiques médicales. De ce fait, elle bénéficie d’une certaine reconnaissance, avec des événements comme le bain de Noël et de Carnaval, organisés par la municipalité chaque année.
