Opticien à la tête du laboratoire Procontact, Philippe Grosgogeat est un enfant de Cimiez qui a suivi la trace de ses aïeux qui s’y établirent après la seconde guerre mondiale.
« Cimiez est mon berceau familial. Mes grands-parents natifs du Jura, le fief de la lunetterie, arrivèrent à Nice en 1945. Ils vécurent à Beaulieu avant de s’installer dans les années 50 avenue Cap de Croix, en face de la cité Sainte Collette ». Depuis, la demeure a été scindée en trois appartements où vivent aujourd’hui ses deux tantes : Sylvie, qui fut directrice de l’office de tourisme de la ville de Nice, la sœur de cette dernière, et l’un de ses cousins. Une grande famille ! Les grands-parents ayant donné naissance à six enfants dont Gérard – l’oncle de Philippe – ancien champion de France d’escrime. « Il a passé toute sa vie professionnelle dans la boutique familiale puis, à l’âge de 60 ans, a décidé d’embrasser une carrière politique honorant ainsi trois mandats de Maire à Villefranche-sur-Mer ».
Une enfance sur la colline
C’est à l’âge de 3 ans que Philippe, né à Nantes, emménage avec ses parents dans la capitale azuréenne. Son parcours ? Indissociable de Cimiez : « Mon jardin d’enfant fut le Parc Liserb. Quand j’ai fait ma scolarité au Collège Stanislas, mon terrain de jeu devint le jardin du Paradisio, l’ancien Conservatoire. Mes parents habitaient et habitent toujours dans le bas Cimiez, à deux pas de Stanislas. Etant issu d’une famille très catholique, ce collège religieux était le cursus obligé. La messe et le catéchisme figurant dans l’emploi du temps. Quant au Monastère de Cimiez, il fut le rendez-vous de toutes nos célébrations familiales : mariages, baptêmes, communions etc. »
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts mais le décor de son enfance a résisté à l’envahisseur. « Ma grand-mère me racontait qu’à la fin des années 50, de la Place du Commandant Gérome à Rimiez, il n’y avait qu’un chemin de terre entouré d’oliveraies. » La colline fut moins soluble que le centre ville dans les bouleversements urbains qui suivirent. Philippe y retrouve ses marques « C’est tout le charme de ce site. Même si l’on peut déplorer la disparition de quelques maisons niçoises, le patrimoine y a été préservé. J’ai plaisir à y raviver mes souvenirs en flânant. Rien n’est plus beau que de voir cette colline évoluer au fil des saisons. En ce moment, c’est la saison des agrumes, et je me surprends à chaparder des fruits sur l’arbre comme quand j’étais gamin ! » Philipe réside à la Villa Laurenti, une demeure historique, à deux pas du Parc Orangini. « Un autre lieu magique créé par le fondateur du Crédit Lyonnais. Cimiez, c’est aussi un havre de verdure avec la Roseraie du Monastère ou le Jardin des Arènes qui fut l’écrin inoubliable de la grande Parade du Jazz. Je me souviens de Lionel Hampton arrivant un soir du 14 juillet avec un costume tricolore à paillettes et interprétant la Marseillaise. Chaque jour, pour profiter de ce territoire d’exception, je me rends à pieds à mon travail, en passant par l’Avenue de Bieckert et l’Hermitage »
Plaisir des yeux
Une fois ses études achevées, Philippe a lui aussi rejoint l’entreprise familiale. Un opticien connu des Niçois sur l’Avenue Jean Médecin. « Après un DEUG commercial, il m’a fallu quitter cette belle région pour intégrer l’école d’optique de Marseille » Son diplôme en poche, il regagne le bercail et l’enseigne créée par son grand-père en 1945. « Quatre de ses enfants y ont travaillé dont mon père qui, en 1963, créa à l’étage le laboratoire Procontact dédié à la fabrication et l’adaptation des lentilles de contact » En 1986, Philippe intègre à son tour ce commerce de pointe. « Jusqu’à la fin des années 70, rares étaient les gens pouvant s’offrir ce type de correction. Nous avions surtout des clients fortunés ou des célébrités sauf Grace Kelly, l’une des premières à porter des lentilles mais qui fit appel à un collègue américain de mon père » A la fin des années 80, le marché de niche s’ouvrit continuant d’attirer quelques riches patients francophones s’y rendant pour une visite et par avion ! En 2015, l’opticien Grosgogeat fêtait ses 70 ans d’activité.
Mais pour Philippe, le plaisir des yeux ne se limite pas à ses instruments d’optique. Aussi, le croise-t-on souvent à des vernissages quand il n’invite pas les artistes à domicile à l’instar du sculpteur Fondacaro récemment invité au Parc Phoenix. « Je l’ai rencontré alors qu’il exposait chez ma tante Sylvie. Je lui avais acheté une pièce emblématique : « L’Envol ». Il est venu l’installer chez moi. En découvrant ma passion pour l’équitation, il m’a demandé de l’aider pour une commande sur le thème des purs sang arabes » Quelques temps plus tard, Philippe ouvre son jardin aux sculptures de Fondacaro réalisées pour cette commande. Un autre de ses amis artistes est un niçois mondialement connu : Ernest Pignon Ernest « Je cultive depuis longtemps une passion pour ce créateur aussi talentueux qu’humaniste qui est devenu un ami. Je suis ravi que le MAMAC lui consacre une grande rétrospective estivale. »
Et s’il achète parfois des œuvres, Philippe ne se considère pas comme un collectionneur. « Mon approche est émotionnelle. Je ne cherche pas à constituer une collection qui fasse sens dans l’histoire de l’art comme Bernard Massini qui expose une partie de son fond dans son cabinet du Regina. J’aime l’Art parce qu’il nous apprend l’ouverture au monde, le lâché prise, à douter de nos préjugés. Il ne suffit pas de voir, l’Art nous apprend à regarder ! » Pour ce professionnel de la vue, voilà une autre manière d’élargir le champ de vision de ses contemporains.
Légende « Philippe Grosgogeat en compagnie de l’artiste Ernest Pignon Ernest »