Comment une personne contemplant la nature peut-elle comprendre l’essence d’une rivière?
En essayant de comprendre son écoulement, c’est à dire la dynamique du mouvement inhérente au cours d’eau, ou alors en essayant de concevoir les berges dans lesquelles elle s’écoule, c’est à dire la narration spatiale de la rivière?
Les caractéristiques permettant de définir l’être même d’une rivière se trouvent-elles au centre ou plutôt à la périphérie de celle-ci?
Ce sont ces mêmes questions qui se retrouvent dans les œuvres de Piotr Klemensiewicz.
Des taches de couleurs alourdissent, guident le déroulement dramaturgique, creusent des abîmes, ou sont si claires qu’elles éblouissent le contemplateur.
Les bords des couleurs nous permettent d’entrevoir ce qui a été emporté par le courant, ce qui est refoulé et ce qui se dissimule, ainsi que la lutte émergente entre les couleurs.
Le regard voyage. D’abord lentement, puis de plus en plus vite. Il tisse une toile d’impressions par-delà des gorges de couleurs, des formes gestuelles et des teintes vives et réfléchissantes. Le regard rassemble distance et proximité; il unit ce qui parait visible à l’invisible scintillant.
Klemensiewicz ne nous montre pas de rivières, pas de paysages concrets, pas de prairies. Il nous présente de la peinture, de la photographie; ce sont des illusions, des représentations de la perception et des angles morts de la mémoire. Dans quelques œuvres, le corps principal permet à l’univers visuel de s’épanouir comme lors d’un jet de Mikados. Certaines scènes sont parfois partiellement recouvertes, uniquement pour intensifier leur présence dans nos propres souvenirs. D’autre œuvres sont quant à elles de denses esquisses de notre monde, dans lesquelles des non-formes gestuelles chamboulent intégralement notre perception du centre et de la périphérie.
Dans la vision, il n’y a ni mensonge, ni vérité. La peinture transforme la topographie dramaturgique de cette vision en un vacuum spatio-temporel. L’univers de l’artiste connecte, divise et liquéfie les éléments, il confronte les couleurs les unes aux autres et nous montre ce que la vision ne peut percevoir.
Larissa Kikol
Historienne de l’art
traduit par Kévin Strobel