Figure de proue niçoise, Le Régina a abrité bon nombre de personnalités dont une qui marqua durablement son temps dans le domaine du droit international : René Jean Dupuy.
On peut lire, sous son nom gravé sur la plaque apposée en 1998 à l’entrée du Centre Universitaire Méditerranéen : – Fondateur de l’Institut du Droit de la Paix et du Développement – Membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques – Professeur au Collège de France. René-Jean Dupuy, humaniste éclairé exerça une profonde influence sur l’évolution des droits internationaux. Les honneurs, cet homme de culture en connut d’autres, mais jamais, ils ne furent ce qui le motiva à transmettre à ses contemporains son éthique du droit, une certaine vision du monde guidée par ce que Platon nommait : « la vie de la cité ». Ils étaient d’ailleurs nombreux, ses amis, proches et collaborateurs, du Prince Ringuet à Boutros Boutros–Ghali, de Pierre Mesmer à Alain Peyrefitte, de George Duby à l’ex directeur de l’UNESCO ou au vice premier ministre du Québec, à écouter les allocutions faites par Pierre Joannon, ou George Duby pour son intronisation en 1992 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques. C’est avec une épée qui appartenu à l’un des académiciens de Bonaparte, une épée revue par le couturier Christian Lacroix où brillait au pommeau, un lapis–lazuli bleu comme cette « mare nostrum » qu’il chérissait tant, que R-J Dupuy rejoignit ce fauteuil après de longues années de recherche et de professorat. Sa vie est un roman. Elle fut aussi un voyage au long cours avec deux ancrages : Tunis et le Régina. Tunis, parce qu’il y vit le jour en 1918, issu d’une lignée de colons originaires d’Algérie dont un père vigneron. C’est d’ailleurs au lycée d’Alger puis à sa faculté de droit qu’il fit ses premiers pas dans la carrière. Mais, après le débarquement allié en Afrique du Nord, le jeune étudiant mobilisé, est lâché durant cinq ans au cœur des âpres campagnes de Tunisie, d’Italie et de France Rhin Danube. « Il aimait à dire que, si lors du débarquement de Saint-Tropez, il était sorti le premier du bateau, face aux allemands, ce n’était par courage, mais parce que le mal de mer lui était devenu insupportable » commente son épouse, qui comme tout ceux qui connurent « le bon maitre » – c’est ainsi que l’appelaient ses élèves – louèrent son charisme et son sens aigu de la dérision.
De retour à la vie civile, RJ Dupuy poursuit ses études à Paris. Son doctorat et son agrégation en poche, il fait un détour par Saigon avant de repartir professer dans la ville blanche où il épousera en 1953 l’une de ses élèves, Christiane, qui lui donnera trois enfants. En 1956, le couple s’installe à Nice, au Regina, à la demande du Ministère de l’éducation nationale qui sollicite l’éminent professeur afin d’enseigner à Aix-en-Provence tout en soutenant le démarrage de la faculté de Droit et de Sciences économiques de Nice. Ce que R-J Dupuy fit de 1957 à 1978, se retirant pour écrire dans son nid d’aigle au 5 éme étage du Régina « Nous avions choisi Cimiez, parce qu’avec mon asthme, il valait mieux être sur les hauteurs » explique Christiane. En 1965, il fonde l’Institut européen des Hautes Études internationales et en 1968, l’Institut du Droit de la Paix et du Développement. En 1979, R-J Dupuy intègre le prestigieux Collège de France, côtoyant ainsi les personnalités les plus influentes de la planète. Il sera nommé Docteur Honoris Causa de Mayence, de Cracovie, de Montréal et à Monaco deviendra membre du Conseil d’État et président du Tribunal suprême. R-J Dupuy était titulaire de la Légion d’honneur, de la Bronz Star Medal de l’US Army et du « Cougourdoun d’or » que la ville de Nice remis à ce « Niçois de désir » comme il se définissait lui-même. C’est, entourée de tous ces souvenirs et des nombreux ouvrages que son époux écrivit, que Christiane Dupuy vit toujours, depuis 45 ans au Régina. Un appartement avec vue sur la Baie des Anges et sur Alger la blanche, quand le temps de la mémoire se fait clément…